Par : Mohammed Amine Harmach, bénévole du CRCBV
Chaque lundi, un camion de la Banque d’alimentation d’Ottawa dépose des denrées au 145, Promenade Beausoleil. Cette adresse de la maison communautaire du CRCBV (Centre de ressources communautaires de la Basse-Ville) se transforme ainsi en énorme entrepôt d’aliments.
“Cinq palettes ! C’est mieux que les trois reçues la semaine dernière ! ”, constate, l’air satisfait, l’un des employés de la banque alimentaire de la Basse-Ville. Fruits, légumes, viandes, œufs, lait, pain, condiments, pâtes, boîtes de conserve de toutes sortes, lentilles, riz, farine, sel… On trouve aussi des couches et des serviettes hygiéniques, parmi d’autres items.
Ce lundi matin d’août, un nouveau bénévole est venu prêter main forte à l’équipe pour décharger la cargaison. Tout doit trouver, vite et soigneusement, une place dans cet espace. Chaque coin, chaque millimètre même, est optimisé pour être utilisé à bon escient. Depuis un bout de temps, le sous-sol s’est converti en entrepôt. Le rez-de-chaussée loge les aliments prêts pour les distributions. Même une salle de bains a été condamnée et conditionnée. Équipée, entre autres, d’un réfrigérateur, elle stocke désormais de la nourriture. De son côté, le deuxième étage, lui, abrite l’administration et une salle d’ordinateurs / internet avec accès gratuit aux résidents.
Une demande croissante
C’est dans ce petit duplex de deux étages que la banque alimentaire du quartier a élu domicile depuis quelques années. Ce programme prend de plus en plus d’ampleur au fur et à mesure que les besoins de la population augmentent. Les autres services de la maison communautaire sont désormais relégués au second plan. Il est question de la buanderie, des ateliers, le service de restauration, les cafés-rencontres, entre autres activités. Certains ont presque disparu.
En cause, la demande pour la banque alimentaire de la Basse-Ville qui ne cesse de croître. Il faut dire que le quartier est parmi les principaux pourvoyeurs de logements communautaires à Ottawa. Plus d’un résident sur sept a utilisé au moins une fois les services de la banque alimentaire. C’est ce qu’indique le CRCBV dans son rapport 2023-2024.
Aussi, une quantité de plus de 275 750 kilogrammes, notamment reçue de la Banque d’alimentation d’Ottawa, a été livrée en une année, précisément entre avril 2023 et fin mars 2024.
“Ici, plus qu’une banque alimentaire, nous animons un lieu de vie où des liens se créent”, explique Malika Oumou Moumouni Sonde, coordonnatrice de la banque alimentaire. “Quand un client franchit le seuil, nous veillons à ce qu’il reçoive toute l’attention que son cas mérite”, détaille-t-elle. “Parfois, si nous ne disposons pas des ressources nécessaires, nous le référons à d’autres organismes qui vont pouvoir l’accompagner”, poursuit Malika qui a été bénévole à la “banque” pendant plus de 9 mois avant de postuler le poste de coordonnatrice, dès que l’occasion s’est présentée.
“Outre la nourriture assurée par la Banque d’alimentation d’Ottawa, les dons que nous recevons nous permettent aussi d’acheter des denrées supplémentaires (pain, lait, légumes, fruits, viandes…)”, précise-t-elle. L’objectif est que le panier alimentaire soit le plus équilibré et sain possible. Mais malgré ces efforts, le programme fait face à un certain nombre de défis.
Le contexte social marqué par la hausse du coût de la vie et la vulnérabilité d’une partie des résidents de la Basse-Ville y est aussi pour quelque chose. “Auparavant, nous servions nos clients deux fois par mois. Mais désormais, les rendez-vous sont prévus presque chaque 45 jours”, déplore Malika. Elle attribue ce délai plus long entre les rendez-vous à la demande plus grande. L’autre raison évoquée est la baisse des dons octroyés par les donateurs à la Banque d’alimentation d’Ottawa. Mais cette situation n’entame en rien le dévouement des employés et des bénévoles.
Un endroit exigu et inapproprié
“Nous tentons de servir deux clients chaque 15 minutes en fixant des rendez-vous”, explique pour sa part Mélissa Thibault-Canas, coordonnatrice de la maison communautaire. D’après elle, le but d’un tel dispositif est avant tout de garantir la confidentialité des bénéficiaires et de préserver leur dignité. Toutefois, elle pointe du doigt les contraintes imposées par un endroit exigu et inapproprié. “Les locaux ici au 145, Promenade Beausoleil, ne sont pas adaptés à la mission d’une banque alimentaire”, renchérit Mélissa. “Il n’y a qu’à voir les escaliers pour s’en rendre compte”, alerte-t-elle. En effet, selon Mélissa, les escaliers par exemple constituent un danger pour les collaborateurs et les bénévoles, particulièrement durant l’hiver où c’est glissant.
“L’endroit de l’autre côté est définitivement plus adapté. Nous avons hâte d’y déménager”, assure Mélissa. Elle fait justement référence à un local que la Ville d’Ottawa accorderait au sein du CRCBV, 40, rue Cobourg. Sauf que là encore, c’est une autre histoire ! Le déménagement tant espéré butte à cause d’un détail qui peut sembler surmontable: une rampe ! Dessinée aux personnes à mobilité réduite, cette rampe devrait donner accès à l’immeuble et aux services de la banque alimentaire.
Mais ladite installation est au centre d’un conflit qui oppose la ville au centre communautaire francophone de loisirs, le Patro, et à l’Organisme communautaire francophone Montfort-Renaissance à qui appartient une partie de la bâtisse où se trouve la rampe. C’est un imbroglio qui a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux locaux d’Ottawa, mais dont le dénouement est attendu avec impatience.